Après avoir passé presque toute sa vie d’adulte dans les grands centres, la pandémie a ramené Sandra à ses racines. Ces retrouvailles ont été transformatrices pour l’artiste, qui puise son inspiration dans la nature et le silence.
Le parcours de Sandra Giasson-Cloutier, 39 ans
Bonjour Sandra et merci de nous partager ton témoignage aujourd’hui! Tu es native de la région. De quelle municipalité es-tu originaire?
Je suis originaire de L’Islet. J’ai vécu toute mon enfance et mon adolescence dans le secteur de L’Isletville.
Dans quelle municipalité résides-tu maintenant? Est-ce également à cet endroit que tu travailles?
J’habite à Saint-Cyrille-de-Lessard. Je suis active professionnellement dans la MRC de L’Islet, un peu partout sur le territoire et aussi dans le secteur de Montmagny.
Peux-tu nous parler de ton retour dans la région? En quelle année es-tu revenue t’établir ici?
En juin 2020! Pendant la pandémie, je suis allée chez mon père au lac Trois-Saumons et en mettant les pieds chez lui je me suis dit : « Oh, je sens que ça va être difficile de repartir! ».
J’y ai passé deux mois. Par la suite, je suis retournée régler mes trucs à Québec et j’ai pris la décision de revenir m’installer ici.
Ça faisait quatre ans que j’étais à Québec et avant ça, j’ai passé douze ans à Montréal. J’ai passé 18 ans en dehors de la région puisque j’ai également habité à Lévis pour mes études collégiales. Donc oui, c’était un grand changement, mais tout mon entourage trouvait que c’était juste la suite logique que je revienne à la nature. En plus, mon père habite la région et l’une de mes sœurs habite ici, à Saint-Cyrille.
Est-ce que tu es revenue seule?
En 2020, quand je suis revenue, je suis arrivée seule. J’ai rencontré mon partenaire à Québec (c’est une histoire pour une autre entrevue!) et il m’a finalement suivie dans la région il y a environ deux ans.
Parle-nous de ton travail. Comment t’accomplis-tu professionnellement dans Région L’Islet?
Je suis travailleuse autonome et j’œuvre comme médiatrice culturelle à la bibliothèque de Montmagny, qui est mon contrat principal.
Je suis également artiste en arts visuels et j’ai présentement un projet financé par le Conseil des arts et des lettres du Québec (CALQ). Ça fait deux ans que j’ai des bourses provenant de différents programmes du CALQ, ce qui me permet d’avoir un financement pour la création de mes œuvres. D’ailleurs, mes deux plus récents projets ont été concentrés dans la MRC de L’Islet.
En tant qu’artiste visuelle, j’ai de petits contrats ici et là, en plus de mandats comme animatrice et organisatrice d’événements. Je suis également impliquée dans le conseil d’administration de la Biennale de sculpture de Saint-Jean-Port-Joli depuis 2020. Une nouvelle édition de la Biennale a eu lieu cet été, j'y ai donc consacré beaucoup de mon temps!
J’ai toujours plusieurs petits projets, invitations, expositions, performances en cours. En tant qu’artiste visuelle, je fais surtout de l’art textile et de la performance en milieu naturel, dehors! Je m’inspire des lieux dans lesquels je m’inscris.
Ah oui? Dehors? Es-tu active au niveau de l'art performatif l’hiver également?
Oui! En janvier prochain, je vais faire une performance sur le lac Trois-Saumons! Ma démarche est centrée sur la nature. La nature est là peu importe la saison. C’est vraiment l’idée du cycle de vie et ce que la nature a à nous apprendre. Et il y a aussi l’idée de confronter mon corps aux éléments. Donc oui, il y a l’hiver, mais si ma performance a lieu l’été et qu’il pleut, elle va avoir lieu quand même. Mes œuvres sont vraiment en adéquation avec la nature.
Est-ce qu’il y a des raisons particulières qui ont influencé ta décision de revenir t’établir dans Région L’Islet plutôt qu’ailleurs?
Il y a plusieurs raisons.
Je suis revenue parce que j’ai un sentiment d’appartenance à cette région qui fait partie de mon enfance et parce que j’ai de la famille qui y habite toujours, ce qui a penché dans la balance.
Je voulais être plus près de la nature, ce qui m’a permis de développer ma démarche artistique beaucoup plus que si j’étais restée en ville.
D’ailleurs, je ne serais pas allée dans n’importe quelle région! Le fait qu’il y ait ici un milieu artistique développé était un élément important pour moi et pour la suite des choses.
C’est beaucoup de raisons qui font que ça avait vraiment du sens pour moi, même après plusieurs années en milieu urbain. J’ai d’ailleurs toujours eu une relation amour-haine pour la ville : mon plus grand deuil d’être partie, c’est de ne plus pouvoir me déplacer aussi facilement à vélo!
Est-ce que tu as été confrontée à des défis d’intégration, que ce soit dans ta vie personnelle ou professionnelle, lorsque tu es revenue t’établir dans la région?
Le principal défi, c’est la question du logement. Quand je suis arrivée, j’ai volontairement passé les trois premiers mois en tente. C’était l’été, j’avais trouvé un endroit avec une cuisine extérieure et tout. Après, je me suis trouvé un logement, mais ça a été une expérience désagréable et il a fallu que je me trouve autre chose après deux mois.
J’ai ensuite été colocataire dans une maison pendant trois ans. Ç’a été une belle expérience qui m’a permis de me créer un petit réseau assez rapidement malgré la pandémie, ce qui était quand même un défi. Avec le temps, je découvre que le réseau peut être encore plus grand!
Je me suis trouvé un emploi dès mon arrivée, au Vivoir, où je suis restée pendant trois ans au service à la clientèle. C’était un emploi qui me permettait de côtoyer le domaine artistique au quotidien!
Donc, c’est vraiment le logement qui a été le plus grand défi pour moi. Puis quand mon conjoint est venu me rejoindre, lui aussi a rencontré des difficultés pour se trouver un endroit où rester. Il a déménagé trois fois en un an, entre autres parce que nous avons choisi d’habiter ensemble après quelques mois.
Et je dois dire que je me considère quand même chanceuse, j’avais de la famille dans le coin et des connaissances. Même si ce n’est pas grâce à eux que j’ai trouvé mes logements, ça peut peut-être aller plus vite quand tu connais quelqu’un qui connaît quelqu’un... mais en bout de ligne, que tu viennes d’ici ou d’ailleurs, ça reste un défi.
J’ai connu, en revenant dans la région, des gens qui ont vécu ailleurs et qui sont établis ici depuis quinze ou vingt ans. Je n’ai pas nécessairement renoué avec mes amitiés du secondaire, mais la porte est ouverte.
Il y a aussi le fait de m’impliquer, par exemple avec la Biennale, qui a aidé à mon intégration. S’impliquer, c’est toujours une bonne façon de s’intégrer!
On sent que tu as un fort sentiment d’appartenance pour la région. Est-ce que tu as vécu un ou des événements marquants qui ont cimenté ton amour pour Région L’Islet?
Je pense que c’est le projet artistique que j’ai fait l’été dernier au Verger de l’Évolution à Sainte-Louise, qui appartient à Arbre-Évolution. J’ai vraiment habité ce territoire-là. J’ai campé sur place pendant au moins deux semaines et j’ai créé mon œuvre sur place. Elle est tellement grosse qu’elle n’entre pas dans une auto!
Il y a eu là quelque chose qui m’a aussi permis d’élargir mon réseau, puisque j’ai rencontré d’autres personnes, des groupes scolaires... Vivre le lieu et le territoire pleinement, ça a été marquant.
Sinon je dirais, juste faire du ski de fond au lac Trois-Saumons. D’avoir aussi facilement accès à la nature.
Finalement, je m’en rends moins compte aujourd’hui, mais quand on arrive de la ville on le voit vraiment rapidement, on ne peut juste pas aller faire une commission rapide. Tu vas nécessairement croiser quelqu’un et même si ce n’est pas quelqu’un que tu connais, il va nécessairement y avoir une discussion, un échange et c’est quelque chose qui m’a vraiment marquée au départ.
J’ai encore le réflexe de me dire « Ah je vais aller à tel endroit entre deux rendez-vous... » et là je me dis « Non, c’est pas possible! ». Il y a un ralentissement du temps qui est nécessaire en fait et ça, c’est une des belles choses de la région.
Tu as vécu une bonne partie de ta vie en ville. Qu’est-ce qui te fait tripper sur ta nouvelle vie en région?
L’accès à la nature!
Pour moi, cet accès-là, c’est aussi le fait que c’est possible de trouver des lieux où il y a du silence. Je suis chanceuse pour ça, un de mes oncles a un terrain auquel j’ai accès.
Je suis aussi chanceuse d’avoir trouvé la maison ici à louer, avec la forêt juste derrière. Le silence, c’est assez important pour moi. En ville, il y a du bruit jour et nuit! Bon, c’est sûr que ça dépend... Quand j’ai habité à Saint-Jean-Port-Joli, sur le bord de la 132, l’été c’était assez bruyant merci, mais il y a des lieux silencieux qui existent et qui sont quand même accessibles.
L’accès à la baignade aussi! Pouvoir aller me baigner aux chutes à Saint-Cyrille ou au lac Trois-Saumons. C’est sûr que mon père a un chalet et est résident du Lac, mais il y a quand même une plage pour les gens, ce qui n’est pas le cas partout sur les lacs au Québec.
En te lisant, c'est évident que tu as beaucoup d’affection pour Région L’Islet. À quoi aspires-tu pour ta région? Quels sont les services ou les initiatives que tu aimerais voir s’y développer?
Plus d’accès au logement, c’est vraiment ça! C’est un défi pour beaucoup de monde. Actuellement, je loue une maison dont les propriétaires pourraient choisir de revenir l'habiter plutôt que de renouveler le bail. Bien que je sois assurée d'y être pour encore un moment, je n'ai pas de certitude pour la suite ou pour ce que je trouverai ensuite.
Je suis propriétaire d'un bloc au centre du village, mais je ne prévois pas y habiter puisque je tiens à avoir un terrain avec accès à la nature. Donc, le défi est vraiment l’accès au logement de qualité, qui va avec le désir d’habiter en région, près de la nature.
Sinon, c’est sûr qu’avec mon métier je suis tributaire de subventions du gouvernement, donc je dirais encore plus d’opportunités pour les artistes dans la région et une valorisation de notre travail. Par exemple, toute l’organisation de la Biennale de sculpture est faite sur une base bénévole, donc peut-être mettre davantage cette implication-là en lumière.
Mais je pense que tout ça, c’est une continuité de tout ce qui est déjà là.
La nature est clairement ton terrain de jeux. Veux-tu nous révéler ton spot secret, ton endroit coup de cœur de la région?
(On vous laisse imaginer le rire de Sandra) C’est que je ne veux pas qu’il soit tant connu!
Mais le Lac-Trois-Saumon reste un des lieux qui me calme automatiquement. C’est un rapport spécial; ma grand-mère avait un chalet au Lac quand j’étais jeune et j’y ai passé toute mon enfance.
Région L'Islet en 3 mots? Nature, culture et communauté, c'est tout ce qu'on aime!