En 2022, j’ai vendu mon restaurant. Ça faisait presque 8 ans que j’y partageais ma vision d’une alimentation québécoise locale et fière. Entre les quatre murs de ce lieu quasi mythique de l’avenue Saint-Zotique à Montréal, nous avons réussi à faire une sorte de pont entre le territoire nourricier et la vie urbaine.
Le Manitoba (c’est le nom dudit restaurant) a été mon plus beau projet à vie, jusqu’à ce que je me sente totalement épuisée, vidée, prisonnière d’une vie qui ne m’appartenait plus. Entre les factures à payer, les clients à servir et le personnel à gérer, j’ai ressenti la grande nécessité de la nature. Pas seulement de celle qu’on retrouve dans nos assiettes, mais de celle qui nous entoure du matin au soir, qui guérit les angoisses et qui rythme un quotidien doux, significatif et enraciné.
Synchronicité sur la Côte-du-Sud
Déjà, sur Centris, j’ai su que c’était la mienne. La petite maison rouge, vieille de 200 ans, avait l’air de m’attendre. C’est mon amie Valérie (nouvellement résidente de Saint-Jean-Port-Joli) qui s’y est rendue en premier, accompagnée de son téléphone cellulaire en mode Facetime, avec moi au bout de la ligne. « Check! Elle est parfaite pour toi! Ni trop grosse ni trop petite, super bien située, avec une bonne énergie. Une belle maison de sorcière, comme tu les aimes. »
Deux semaines plus tard, je déposais une offre d’achat et je me rendais compte, en parcourant la paperasse, que je connaissais le vendeur depuis plus de 15 ans. Impossible! On avait été voisins à Montréal. Je l’ai contacté. « C’est un signe, Elisabeth! Cette maison est faite pour toi. Te connaissant, tu vas adorer le village, et le village va t’adorer. »
Avant mon déménagement, Jean-Sébastien, le propriétaire de la maison, a eu la gentillesse de m’organiser une petite fête de bienvenue où étaient invité·e·s mes futur·e·s voisin·e·s. En discutant avec Joanie, dont on peut apercevoir la maison par ma fenêtre, je me suis rendu compte que je l’avais fréquentée presque quotidiennement pendant plusieurs mois, alors que nous allions faire courir nos chiens dans un parc canin de Montréal, presque 20 ans plus tôt. Nous avions oublié nos noms et nos visages, mais pas celui de nos animaux. « Bin voyons donc! Quel hasard! Je me souviens d’avoir tellement aimé nos moments ensemble. »
Dès mon arrivée, des histoires comme celles-ci, j’en ai vécu plusieurs. Appelez ça des coïncidences ou de la synchronicité, moi je pense que c’est l’Univers qui me dit : « T’es à la bonne place ». Ça se sent, quand on est à la bonne place.
La soupe populaire et le Cercle des Fermières
À Saint-Jean-Port-Joli, j’ai trouvé tout ce que je cherchais et même ce que je ne cherchais pas. Les premiers mois, j’ai pleuré à chaudes larmes chaque fois que j’allais marcher au fleuve avec mon chien River, comme si je n’arrivais pas à croire que cette grève et cet horizon m’étaient accessibles, à moi, tous les jours de ma vie. Je me suis liée d’amitié avec mes voisins et voisines (du genre « as-tu besoin d’oeufs? », « j’ai posé un pot de bouillon de poulet sur ton balcon » ou « viens-tu prendre l’apéro? ») et je me suis mise à dire bonjour à tout le monde.
J’ai offert mes services en tant que bénévole à la Soupe au Bouton, un organisme en sécurité alimentaire. J’y ai trouvé tellement de bonté et d’espoir que dès que je finissais de cuisiner la soupe, j’avais hâte au mardi suivant pour venir en faire une autre. Puis, j’ai réalisé un vieux rêve : faire partie d’un Cercle de Fermières. Tisser est devenu pour moi une vraie passion. Il faut dire qu’il y a pire que de fabriquer des beaux objets, entourée de femmes qui ont chacune une vie fascinante à raconter.
Si vous choisissez de vivre en région, que ce soit dans L’Islet ou ailleurs, je vous en prie, expérimentez le bénévolat et les cercles sociaux. C’est une si belle manière de côtoyer des gens qui en apparence, ne nous ressemblent pas tellement, mais qui au fond, ont tout en commun avec nous.
Travailler sans en avoir l'impression
La nature, le bénévolat et l’artisanat ne sont pas tout ce que la région nous réserve. Ici, il y a aussi moyen de trouver du travail. L’ancienne restauratrice en moi avait peur de ne pas savoir quoi faire comme boulot, exilée à « l’autre bout du monde ». Mais la vie fait bien les choses, surtout lorsqu’on sait se laisser porter par ses bonnes énergies.
Voici ce que mon instinct et les gens de ma région m’ont permis de faire depuis deux ans. J’ai ouvert une petite galerie d’art où je vends - bien modestement - des toiles et des impressions numériques. J’ai trouvé un petit contrat d’horticulture (mon ancien métier). Je donne des ateliers de cuisine, de cueillette, d’art et de poésie. Je collabore au développement de projets relatifs à l’alimentation de proximité et à la culture. Je travaille à l’élaboration d’une nouvelle plateforme de diffusion de l’artisanat, de l’agriculture paysanne et de l’art de vivre sous toutes ses formes. Bref, du travail dans ce coin de pays, il n’en manque pas.
Mais ce que l’on retrouve surtout, ici, c’est de l’ouverture d’esprit et un grand sentiment de collectivité. Depuis deux ans, je n’ai pas l’impression de travailler, j’ai l’impression de vivre. Suis-je heureuse dans ma nouvelle région d’accueil? À vous d’en juger. Un indice : le nouveau mot de passe de mon Internet est BonheurSJPJ.
Mes coups de cœur de Région L'Islet
- Les gens et les paysages
- Le ski de fond
- La Soupe au Bouton (Saint-Jean-Port-Joli)
- Les Cercles des Fermières (Saint-Jean-Port-Joli)
- Le nouveau restaurant Les Argiles (Saint-Roch-des-Aulnaies)
- Roch le Fermier (Saint-Roch-des-Aulnaies)
- Les Jardins du Pied à Terre (L'Islet)
- Les Escapades