Quand Eugénie passait ses étés au chalet familial, dans la municipalité de Sainte-Louise, elle était loin de se douter que la terre de son grand-père maternel deviendrait le berceau d’un projet agricole mettant en valeur son héritage familial et culturel.
Découvrez l’histoire unique d’Eugénie, marquée par l’amour de la campagne, du travail de la terre et de ses racines andines.
Le parcours d'Eugénie Morales Marier, 24 ans
Eugénie, peux-tu nous dire de quel endroit es-tu originaire?
Je suis originaire de Montréal. Mon père vient de l’Équateur et ma mère est québécoise. On peut donc dire qu’une partie de moi est également équatorienne!
Un beau bagage culturel! Et dans quelle municipalité habites-tu présentement?
C’est dans la municipalité de Sainte-Louise que ma famille s’est installée lorsque nous sommes arrivés dans Région L’Islet. C’est également à cet endroit qu’est établie notre entreprise, les Jardins Herencia.
Les Jardins sont situés sur la terre familiale, donc la maison de ma famille et l’entreprise sont au même endroit. À long terme, j’aimerais beaucoup, moi aussi, avoir ma petite maison sur la terre!
La majorité du temps, je suis à Sainte-Louise, mais mon conjoint et moi allons habiter un logement à Saint-Jean-Port-Joli sous peu, au moins pour l’hiver.
Tu mentionnes que les Jardins Herencia sont sur la terre familiale, mais tu viens de Montréal. Est-ce que tu avais de la famille dans la région?
Oui! La terre appartenait à mon grand-père maternel, Jean-Luc Marier, qui est natif de Sainte-Louise. Il est malheureusement décédé très jeune; je ne l’ai pas connu. Ma grand-mère maternelle a donc hérité de la terre, puis elle l’a ensuite léguée à ses enfants; ma mère et ses deux frères.
Quand j’étais plus jeune, on venait y passer l’été, c’était un peu comme notre chalet, puis quand la pandémie est arrivée nous sommes venus nous y installer à temps plein.
On s’est établi ici pour de bon en 2020, mais ça s’est fait quand même progressivement. J’ai passé mon premier été complet à Sainte-Louise en 2016, quand j’ai eu mon premier emploi d’étudiante comme serveuse au Café du Bon Dieu, de la municipalité de Saint-Roch-des-Aulnaies. Après ça, je suis revenue à tous les étés et je suis maintenant ici à temps plein.
J’imagine qu’en 2020, tu t’es installée à Sainte-Louise avec ta famille?
Ah ça aussi c’est un peu particulier! Au départ, c’est mon père et moi qui sommes venus nous installer à Sainte-Louise. Mon père a toujours préféré la campagne. En Équateur, il habitait un tout petit village, il est habitué au milieu rural et agricole.
Ma grande sœur et ma mère étaient toujours à Montréal, mais quand ma sœur est partie habiter avec son conjoint, ma mère a décidé de venir nous rejoindre.
Nous sommes donc maintenant tous les trois établis ici, en plus de mon conjoint, qui vient de l’Équateur aussi et qui est dans un processus pour obtenir sa résidence permanente afin de pouvoir s’établir à long terme ici. Depuis 2021, il venait ici avec un visa de visiteur, mais il sera bientôt un vrai de vrai « nouvel arrivant »!
Quel est ton emploi actuel?
C’est spécial, parce que ma « vraie job », c’est Assistante de recherche et de consultation et je travaille avec mon oncle, qui habite à Gatineau. Il a une carrière comme consultant et il est non-voyant.
Depuis 2018, je travaille avec lui grâce au télétravail et j’ai un horaire flexible qui me permet de travailler un peu moins l’été et un peu plus l’hiver.
Ça me permet donc de consacrer du temps à notre ferme maraîchère, les Jardins Herencia. C’est ce projet familial qui occupe le reste de mon temps et même si c’est un travail plus bénévole, j’en tire plein d’avantages : je suis logée, bien nourrie, je passe du temps avec ma famille... c’est un mode de vie qui me convient!
Sinon, j’ai toujours travaillé au Café du Bon Dieu pendant l’été, à temps partiel, comme serveuse. Depuis cette année, le Café du Bon Dieu est devenu le Café de l’Estuaire, et je suis impliquée dans ce projet de café culturel.
Encore une fois, c’est un travail plus bénévole pour le moment, mais l’objectif est de pouvoir y créer des emplois. Aussi, avec les Jardins Herencia, on a souvent des produits qui doivent être transformés et c’est l’fun d’avoir un lieu où les mettre en valeur.
Tout est un peu relié finalement!
Tu l'as bien expliqué en répondant aux questions précédentes, ton histoire familiale est intimement liée au fait d’avoir choisi Région L’Islet plutôt qu’une autre région...
C’est drôle, j’en parlais avec ma soeur et une amie, et je suis vraiment perçue comme une personne de famille. C’est vraiment ma raison d’être venue ici, mon attachement aussi pour la terre familiale... tu sais, même si je n’ai jamais rencontré mon grand-père, j’ai l’impression de sentir son énergie quand je suis à Sainte-Louise.
Lui aussi c’était un entrepreneur, il avait son restaurant dans le 4e rang avec un relais de motoneige. Parfois on a des clients qui nous disent : « Ah oui, moi je venais ici, dans mon jeune temps, prendre une petite bière! ».
J’aime la nature, évidemment, et la tranquillité aussi. J’ai vraiment aimé Montréal, mais je préfère le mode de vie de campagne.
Même si tu as passé de nombreux étés ici avant de t’installer de façon permanente, as-tu vécu des défis d’intégration à ton arrivée dans la région?
Pas nécessairement. C’est sûr qu’au début, je n’avais pas rencontré beaucoup de personnes de mon âge. Au Café, je côtoyais surtout des personnes plus âgées, mais maintenant, avec le Café de l’Estuaire, on est vraiment une belle gang de jeunes qui a pris la relève.
Sinon, au niveau de l’intégration, je peux comparer mon arrivée à celle de mon conjoint et pour lui, c’est plus difficile, mais c’est surtout à cause de son statut d’immigration. Même si sa langue maternelle est l’espagnol, il se débrouille de mieux en mieux en français.
Je peux aussi comparer les défis d’intégration pour les nouveaux arrivants avec l’expérience vécue par mon père. Il a d’abord immigré à Montréal et son histoire est donc différente.
Il y avait plus de diversité, plus d’activités culturelles qui lui ont permis de rencontrer des gens et de se créer un réseau, tandis que pour mon amoureux, c’est plus difficile; il arrive dans un milieu tellement différent de la ville, il n’y a pas beaucoup de diversité... On essaie de participer quand des activités interculturelles sont organisées, mais encore une fois, il n’y a pas beaucoup de gens de notre âge.
Heureusement il est très bien dans notre bulle familiale et il vit des expériences très positives. Il a travaillé chez Ouellet Canada et il a vraiment aimé ça! C’est sûr qu’aussitôt qu’il a un nouveau permis de travail, il veut retourner travailler là-bas.
En plus de ton attachement pour la terre familiale, as-tu vécu des événements qui ont renforcé ton sentiment d’appartenance à Région L’Islet?
Clairement la ferme a contribué à mon sentiment d’appartenance, même si au début, ce n’était pas prévu! Au départ, on avait un petit potager pour notre famille. Moi j’aimais être serveuse au café, j’aimais être au jardin et mon père aussi... puis la pandémie a tout changé.
Mon père travaillait au CDBQ de La Pocatière et il y était très heureux, mais pendant la pandémie, ce n’était pas un service essentiel. Et il y avait tout le discours autour de l’importance de l’autonomie alimentaire du Québec... on avait la place, alors on a décidé de se lancer en affaires!
Les Jardins Herencia sont nés et c’est ce qui nous a vraiment décidés à rester. Peut-être que sans ça, on aurait travaillé ici pendant un moment avant de repartir vers Montréal.
Tu as dit que tu préférais le mode de vie de la campagne. Qu’est-ce qui te fait tripper sur la vie en région?
Ça va paraître plate, mais la nature!
Rires. Ce n’est pas plate du tout, tu n’es vraiment pas la première à donner cette réponse spontanément!
C’est vraiment la nature, la tranquillité, le jardinage et les gens. Il y a de belles personnes dans la région!
J’aime aussi les activités qui sont organisées partout sur le territoire, même si je participe un peu moins qu’avant. Elles ont souvent lieu l’été et c’est notre grosse période de travail. On a juste quatre mois pour faire toute notre production maraîchère!
À quoi aspires-tu pour Région L’Islet? Si tu pouvais y implanter un projet, une initiative communautaire ou quoi que ce soit pour la rendre encore plus attrayante, qu’est-ce que ce serait?
Je l’ai mentionné précédemment, mais je pense que plus d’activités d’intégration, d’activités culturelles et interculturelles, ce serait bien. Il faudrait penser à y inclure nos nombreux travailleurs étrangers. Ils sont un peu invisibles, comme s’ils vivaient en parallèle, mais ils sont bien là!
L’accès au logement est aussi un gros défi. Mon conjoint et moi déménageons le premier septembre dans un appartement à Saint-Jean-Port-Joli et ça n’a pas été évident à trouver!
L’été, on habite sur la ferme, mais c’est une toute petite maison. On se rappelle qu’à la base, c’était un chalet! On s’arrange, on est beaucoup dehors et on a de petites cabanes du genre camping, mais l’hiver c’est un défi. On est cinq dans une maison d’une seule chambre, salon et cuisine! C’est pour ça qu’on part souvent en voyage l’hiver, en Équateur.
À long terme, on a le projet de construire notre propre maison sur la terre familiale, mais c’est compliqué puisqu’elle est zonée agricole alors entre-temps, si on veut passer les hivers ici, on n’a pas le choix de se trouver un logement.
On aimerait ça rester directement à Sainte-Louise, ou même à Saint-Roch, qui est plus proche, mais il y a très peu de logements disponibles.
Es-tu prête à nous révéler ton spot secret?
Chez nous! Rires.
Quand les gens viennent à la ferme, ils voient le kiosque où on les accueille et la partie plus agricole, mais la terre a une partie boisée, un ruisseau... C’est vraiment mon endroit préféré. Si j’ai un jour ma maison, c’est là que je vais la construire. Faut le voir pour constater à quel point c’est beau!
Région L'Islet, à mes yeux, c'est la nature, des gens inspirants et une communauté interconnectée!